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Lettre N° 40 - OU VA L’ECOLE LIBRE ? (2)
Les délégués de l’UNAPEL réunis à Saint-Malo les 5 et 6 juin ont entendu, avec satisfaction, le nouveau ministre de l’Education nationale souhaiter que le parlement supprime, le plus tôt possible, les obstacles législatifs au financement par les collectivités locales des constructions des écoles privées sous contrat avec l’Etat.
Quelques jours auparavant l’on avait appris que le SNEC-CFTC, l’un des trois syndicats de professeurs de l’enseignement catholique, le plus important et le seul à avoir combattu résolument le projet Savary il y a dix ans, déposait un recours devant le Conseil d’Etat, contestant la légalité du décret pris le 18 mars, en application de l’accord passé entre le P. Cloupet et M. Lang le 11 janvier pour la formation des maîtres du privé. Alors, faut-il partager la satisfaction des uns et croire le P. Cloupet affirmant que le "souci participatif" de l’enseignement catholique au service public d’éducation n’emportait pas "un abandon de service spécifique", ou considérer avec les autres que, pour des raisons financières ou idéologiques, l’école libre a renoncé à sa liberté ? Pour répondre à cette question nous proposons à nos lecteurs d’examiner tour à tour :
Chronique des relations entre l’école libre et l’Etat
Elle fut déclenchée par le projet de loi de M. Savary "relatif aux rapports entre l’Etat, les communes, les départements, les régions et les établissements d’enseignement privé" qui traduisait la promesse faite en 1981 par M. Mitterrand de créer un "grand service public laïc, unifié, d’enseignement". Au moment le plus critique, les réactions des représentants de l’école catholique furent les suivantes :
Le chanoine Guiberteau, secrétaire général de l’Enseignement catholique, annonçait le même jour, dans une conférence de presse, une stratégie en deux temps pour un projet de loi inacceptable comportant une démarche auprès du Premier ministre puis des réactions à caractère national. Cette démarche, une délégation conduite par le chanoine Guiberteau la fit le 15 mai, publiant ensuite un communiqué "soulignant son opposition au dernier point en débat : la fonctionnarisation des maîtres, mais prenant acte des apaisements verbaux donnés par le Premier ministre sur les points vitaux". On sait, selon le récit qu’en a donné le cardinal Lustiger dans Le Monde du 5 juin, qu’il y eut de la part de Pierre Mauroy "manquement à la parole donnée", "dans la nuit du 22 mai". C’est en effet durant cette nuit que M. Laigniel, instrument bien involontaire de la Providence, persuada ses collègues socialistes de durcir le projet de loi en accélérant le processus d’intégration des maîtres du privé dans le public. Devant ce durcissement, l’UNAPEL comprit qu’elle ne serait plus en mesure "d’endiguer la colère des parents" et se résolut à organiser la manifestation qui, à Paris, le 24 juin, provoqua la démission de M. Savary, la chute du gouvernement Mauroy et le premier échec de la majorité arrivée au pouvoir le 10 mai 1981. ·des dispositions simples et pratiques Successeur de M. Savary, M. Chevènement, auteur de ces dispositions, disait qu’elles "représentaient tous les points positifs du projet Savary" et qu’il "n’avait pas eu besoin de forcer ses principes laïques pour les prendre". Les dirigeants de l’Enseignement catholique admirent ces dispositions qui abrogeaient celles plus favorables de la loi de 1971 sur le besoin scolaire et de la loi Guermeur de 1977, se déclarant à de nombreuses reprises satisfaits de la loi Debré, tel M. Vaujour, président de l’UNAPEL, dans une lettre du 4 septembre 1987 : "Nous estimons que la loi de 1959, dans son état actuel, a fait l’objet d’un large consensus transcendant les clivages politiques. Elle doit demeurer, dans son état actuel, la loi fondamentale qui régit les rapports de l’enseignement privé avec les pouvoirs publics." Ils crurent ou feignirent de croire qu’un consensus avait été trouvé pour que les écoles catholiques participent au "service national de l’éducation", se déclarant surpris (communiqué de l’UNAPEL du 1er février 1988) quand resurgissaient les slogans du laïcisme. ·la loi, toute la loi C’est afin de "ne pas permettre que le large consensus obtenu sur ces textes (la loi Debré) soit mis en question" (rapport d’orientation du 21 octobre 1987 de M. Vaujour) que l’UNAPEL s’interdit toute intervention dans les campagnes électorales et s’opposa, pendant la période de la cohabitation, à l’abrogation du décret du 12 juillet 1985 sur la nomination des maîtres et à l’aboutissement d’un amendement sénatorial autorisant les collectivités locales à financer les investissements immobiliers des écoles privées. En ce qui concerne la nomination des maîtres, lors d’un entretien avec nos amis de Nantes (Comité du 4 décembre) de Lyon (ARLES) et du Mans (UPLES), le 8 janvier 1988, le P. Cloupet leur affirma que l’on pouvait "vivre avec les textes Joxe - Chevènement, même s’ils présentent quelques dangers" et les assura qu’en cas d’alternance en mai 1988, un éventuel pouvoir socialiste "n’oserait pas s’attaquer à l’Enseignement catholique". Peu après il écrivait : "J’ai maintes fois déclaré que l’école catholique se veut une force de proposition et se sent lavée de toute volonté de prosélytisme." Le numéro d’Enseignement catholique actualités qui publiait ces propos rendait à M. Savary, qui venait de mourir, l’hommage suivant : "De juin 1981 à juillet 1984, l’Enseignement catholique a cheminé avec M. Savary sur des voies difficiles, semées d’embûches, où se mêlaient (sic) le désir de rénovation du système scolaire à un aménagement de la liberté scolaire au sein d’un service unifié. L’honnêteté, la rigueur morale, le respect des différences, le sens de la négociation, le goût de la démocratie dont a su faire preuve M. Savary resteront exemplaires pour les partenaires de cette rude période." ·rien que la loi M. Jospin, qui fut ministre de l’Education nationale de 1988 à 1992, aura-t-il droit, quand son heure sera venue, à un aussi bel éloge dans Enseignement catholique actualités ? En tout cas, la plus élémentaire justice demande qu’on lui reconnaisse une admirable constance dans son attitude envers l’école libre pendant ces années. Au reproche qui lui était fait, particulièrement au Parlement, d’étrangler financièrement l’école libre il répondait imperturbablement qu’il appliquait la loi, rien que la loi et toute la loi (en espèce la loi Falloux de 1850 et la loi Debré de 1959) en rappelant à ses interlocuteurs que les représentants de l’école catholique ne demandaient rien d’autre depuis 1985. Interpellé sur les retards de paiement du forfait d’externat, il rappelait les précédents des années 70 ; accusé de rompre la parité entre le public et le privé en n’appliquant pas à ce dernier les dispositions nouvelles qu’il prenait pour le premier, il répondait, quand il s’agissait de mesures administratives, que des discussions à ce sujet étaient en cours avec les représentants du privé et, quand il s’agissait des mesures législatives, que c’était au Parlement et non au gouvernement d’en prendre l’initiative. La suppression, dans le budget de 1991, des crédits de la loi Barangé de 1951 qui constituaient un appoint non négligeable pour les écoles primaires, le refus renouvelé au début de la même année du gouvernement de modifier la loi Falloux sur les financements des investissements, et le décalage grandissant entre les moyens mis à la disposition de l’école publique et ceux de l’école privée finirent par susciter chez les responsables de l’Enseignement catholique une inquiétude à laquelle nous fîmes écho dans les numéros du troisième trimestre 90 et du premier trimestre 91 de La Lettre d’Enseignement et Liberté. Après l’annulation par le Conseil d’Etat des arrêts du gouvernement sous-évaluant depuis 1982 le forfait d’externat et le succès des rassemblements organisés par l’école libre en province puis à Paris, le 5 avril 1992, l’arrivée d’un nouveau gouvernement dirigé par M. Bérégovoy et chargé, si l’on en croit la plupart des commentateurs, de limiter les dégâts lors des élections législatives, permit fort opportunément d’apaiser les tensions avec la signature de l’accord Cloupet-Lang, le 13 juin 1992. Un accord historique ?
Dans le numéro de juin 1992 de notre Lettre, notre président, analysant cet accord, concluait que l’Enseignement catholique avait accepté des conditions désavantageuses sur tous les points en contrepartie de sa reconnaissance par un gouvernement de gauche. Nous n’avons pas changé d’avis.
Un protocole, signé le 11 janvier 1993 par les mêmes signataires, portait sur la prise en charge des frais occasionnés par la formation des maîtres des établissements secondaires privés, sous la forme d’une prestation en nature assurée par les instituts universitaires de formation des maîtres, de fâcheuse réputation. Dans le numéro daté de mars, nous expliquions quoi ce protocole conduisait à un alignement idéologique du privé sur le public, tout en maintenant une sélection par l’argent au profit de ce dernier. Le Comité national de l’enseignement catholique a, lors de sa réunion du 9 janvier, autorisé, par 30 voix contre 6 et 6 abstentions, le P. Cloupet à signer l’accord du 11 janvier. Alors que cet accord était préparé depuis deux ans, son examen avait été rajouté à l’ordre du jour au dernier moment et la plupart des membres du Comité prirent connaissance du texte pendant la réunion. Cet accord a suscité de très fortes critiques dans la presse (l’Homme Nouveau, Famille chrétienne, etc.) Les associations qui agissent avec nous depuis dix ans en faveur de la liberté d’enseignement ont également réagi, en particulier en diffusant une "lettre ouverte au P. Cloupet" de Mme Wettstein-Badour, présidente de l’Union pour la liberté d’enseignement en Sarthe. Cette association avait, sur la foi des assurances que lui avait données le P. Cloupet, apporté son soutien à l’accord qu’il avait signé en juin 1992. Dans sa lettre du 22 janvier, Mme Wettstein-Badour écrit notamment au P. Cloupet : "C’est donc de vous que viendra la réalisation de ce grand service unifié et laïc dont rêvait M. Savary" et "Vous nous avez trompés." Le SNEC-CFTC pour sa part, comme nous l’avons indiqué au début de cet article, a introduit un recours devant le Conseil d’Etat pour les motifs suivants indiqués dans le texte que nous publions dans le présent numéro. L’UNAPEL, fort occupée par l’exploitation d’une enquête sur les rythmes scolaires, fit preuve pendant ce temps d’une discrétion remarquable. Son président, M. Toussaint, dont l’élection en 1992 avait pourtant fait espérer que l’opinion largement majoritaire à la base serait mieux prise en compte, tout en reconnaissant, dans le numéro de février de La Famille éducatrice que "ces nouvelles mesures ne sont pas totalement satisfaisantes. En effet la formation dite scientifique des futurs enseignants sera organisée dans le cadre des Instituts universitaires de formation des maîtres souvent critiqués pour leur fonctionnement..." et en appelant à rester vigilant, n’en considérait pas moins que ces accords constituaient des "avancées certaines".
En réponse aux critiques dont il était l’objet, le P. Cloupet rédigea un argumentaire en date du 18 février, sur le relevé de conclusions signé le 11 janvier. ·A ceux qui se demandent s’il n’eût pas été préférable d’attendre les élections législatives, pour négocier plus favorablement avec la nouvelle majorité, il est répondu que les décrets réglementant les concours de recrutement devaient paraître au plus tard dans le courant du mois de mars si l’on voulait, comme cela était indispensable, organiser les premiers en 1994. Cette justification est honorable, mais les faits ne la confirment pas à ce jour. Dans la plupart des cas, en effet, l’Enseignement catholique n’est pas en mesure de répondre aux demandes de ceux qui souhaitent se présenter aux concours en 1994 et par conséquence, s’inscrire en année préparatoire à la prochaine rentrée. ·Il explique ensuite comment est assuré l’exercice du libre choix du chef d’établissement dans le recrutement des enseignants. Il oublie pourtant de dire que cette liberté est limitée et que son exercice rencontrera bien des difficultés. Elle est limitée puisque les lauréats des concours publics perdent (à l’exception des agrégés) l’option pour l’enseignement privé qui leur était ouverte jusqu’alors. Elle sera difficile à exercer car le chef d’établissement ayant besoin de deux professeurs, courra, s’il ne retient que deux candidats, le risque de n’avoir qu’un ou pas du tout de lauréat et, s’il en retient plus de deux, celui d’avoir plus de lauréats que de postes à pourvoir. ·En ce qui concerne la formation proprement dite des maîtres, l’auteur présente comme découlant d’une loi de 1990 le fait que les IUFM "ont la responsabilité de veiller à la cohérence et à la qualité de la formation des maîtres de l’enseignement public et de l’enseignement privé", alors que pour ce second enseignement c’est évidemment l’accord du 11 janvier 1993 qui leur a donné cette responsabilité. Il signale que "l’accord n’interdit nullement à l’enseignement privé de suggérer (aux IUFM !) de recourir pour ses propres maîtres au service d’une université catholique", ajoutant que le financement n’est pas acquis dans ce cas, mais qu’il s’agit d’une difficulté générale relative à la reconnaissance de l’enseignement supérieur privé qu’une convention ultérieure pourrait aménager ! ·En ce qui concerne le déroulement de carrière et plus précisément le fait que le candidat maître de l’enseignement privé ne sera rémunéré que pendant sa deuxième année de formation alors que celui de l’enseignement public peut l’être dès la première année, il est indiqué que ceux qui remplissent les conditions requises pour une bourse d’étude pourront en bénéficier (!) et expliqué que les "allocations" dont bénéficient les candidats maîtres du public sont réservées pour pallier le déficit du recrutement de la fonction publique" et que, par conséquent, le candidat maître du privé "ne peut évidement y prétendre". ·les raisons de l’accord La faiblesse de cet argumentaire qui, même s’il "ne se veut pas exhaustif", aborde pour les esquiver les principales conséquences pratiques du protocole du 11 janvier, est telle que l’on ne fera pas à son auteur l’injure de penser qu’il lui accorde beaucoup de crédit. S’il a accepté de confier la formation des maîtres du secondaire aux IUFM c’est parce que, nous le citons, l’accord du 13juin 1992 "manifestait la reconnaissance par le gouvernement de la contribution que l’Enseignement catholique apporte au système éducatif français, et donc au service de la nation. A nos yeux, le pluralisme scolaire devenait un bien pour ceux-là même qui l’avaient, il y a peu, condamné. Une ère nouvelle s’ouvrait comme possible dans nos relations avec les pouvoirs publics" (Enseignement catholique documents, février 1993) ou encore "entreprise audacieuse, mais sans prétention que l’Enseignement catholique se devait de lancer au moment de son histoire où il se voit enfin justement apprécié comme contribuant utilement à l’évolution du système éducatif français". Cet éditorial du P. Cloupet, du numéro d’avril d’Enseignement catholique actualités, ne fait pas allusion à la création de la Sorbonne ou à celie de la Congrégation des frères des écoles chrétiennes, mais aux accords Cloupet-Lang. Nous devons à nos lecteurs la suite et la fin du paragraphe dont nous venons de citer le début : "Les multiples défis qui sont adressés à celui-ci (le système éducatif) nous concernent, nous avons à les entendre d’abord dans une écoute studieuse et avec un regard attentif ; en prenant la peine d’une parole commune qui doit être hardie et traduire au mieux la flamme de la passion qui anime nos vies d’éducateurs." On comprend que, rapprochés d’aussi vastes perspectives, les inconvénients qu’il pourrait y avoir à confier la formation des maîtres du privé à des pédagogues imprégnés de marxisme et à ne rémunérer qu’un an les futurs maîtres du privé ne sont que quelques épines sur un chemin semé de roses. Des lendemains qui chantent On peut partager la confiance du P. Cloupet dans les fruits de l’accord qu’il a signé avec M. Lang, tout comme l’on peut penser que le rapprochement de ces deux entreprises en difficulté que sont l’Education nationale et l’Enseignement catholique se terminera comme souvent par un dépôt de bilan conjoint. Nous examinerons cette alternative sous les aspects suivants :
La construction d’un grand service public d’éducation avec la participation de l’Enseignement catholique est-elle une réponse appropriée aux "défis de notre temps", comme diraient ses promoteurs ? Evidemment non ; elle représente, bien au contraire, une formidable régression par rapport à la revendication de libre choix de l’école que le multiculturalisme à la mode ne peut que renforcer. La plupart des spécialistes de l’éducation pensent aujourd’hui, y compris au sein des instances internationales officielles, que "le droit à l’école" doit se concrétiser non plus par le financement de l’offre c’est-à-dire des établissements d’enseignement, mais par celui de la demande, c’est-à-dire des usagers. Des pays comme la Suède et la Russie qui ont une longue expérience du socialisme ou du centralisme démocratique s’orientent vers le chèque scolaire. Le plus sûr résultat de la création d’un grand monopole public d’éducation serait le développement d’un secteur totalement privé, d’écoles de riches que l’Enseignement catholique rejette avec indignation mais avec compréhension puisque, si l’on trouve, par exemple, dans le numéro de mai de Famille éducatrice, revue de l’UNAPEL, un article sur la section d’enseignement général et professionnel adapté du collège Saint-Benoît à Moulins, on y trouve aussi les publicités de sept châteaux - écoles ainsi que de quelques instituts dépourvus de tourelles, mais disposant de parcs de 2 à 15 hectares.
Ce caractère propre reconnu aux établissements catholiques ayant passé contrat avec l’Etat signifie que, conformément à des décisions de justice et contrairement aux affirmations de certains responsables de l’Enseignement catholique, l’école catholique n’est pas ouverte à tous, mais seulement à ceux (maîtres, parents et élèves) qui acceptent de respecter ce caractère propre (avec ce que cela peut ou devrait comporter d’instruction religieuse et de participation aux offices). Une déclaration du P. Cloupet publiée dans le journal La Croix du 20 janvier dernier est révélatrice de cet état d’esprit : "On me dit qu’il n’y a pas 10 p. 100 des parents d’élèves qui, de fait, viennent pour des raisons proprement chrétiennes. Cela m’est égal." On comprend mieux dans ces conditions comment il a pu accepter que les maîtres soient formés dans les IUFM.
Tout compromis est l’expression d’un rapport de forces selon le raisonnement marxiste. L’accord Cloupet-Lang en est un exemple, tout comme la motion proposée par la direction du Syndicat des enseignants qui rassemble les militants socialistes de feu la FEN au congrès constitutif qui vient d’avoir lieu à Nantes : "Le réalisme impose aux laïcs d’en prendre acte : le financement de l’enseignement privé sous contrôle est irréversible. Ils doivent s’inscrire, à ce propos, et avant qu’il ne soit trop tard, dans le seul débat qui soit d’actualité : les conditions impérieuses de l’association de l’enseignement privé au service public d’éducation et les exigences liées à la notion de mission de service public." Ce texte a été renvoyé au "débat avec les adhérents", les délégations de l’Ouest l’ayant trouvé trop accommodant ! Faut-il voir dans ce genre de réaction la cause de la décision prise par l’Episcopat de proroger d’un an le mandat de secrétaire général du P. Cloupet ? Cela lui donnera peut-être l’occasion d’écrire comme en mai 1991 : "Notre position d’associé" nous avait semblé mériter un autre traitement, partenaire, nous ne pouvions pas prévoir être encore tenus pour adversaire." Conclusion Les accords Cloupet-Lang sont un coup dur pour la liberté d’enseignement et pour l’école libre. Compromis opportuniste, ils ne dureront qu’un temps, soit que, comme le note Le Monde du 8 juin avec une satisfaction contenue, "les plus fidèles partisans de l’enseignement "libre" ont pris la mesure de la responsabilité de l’enseignement privé, au point de l’inscrire, au moins implicitement, dans le cadre d’un grand service public. Comme une sorte de victoire posthume, et paradoxale, d’Alain Savary, qui avait tenté en vain cette synthèse", soit que le droit des parents à donner à leurs enfants l’éducation de leur choix l’emporte finalement. L’exemple de la loi Debré de 1959 peut donner quelque espoir. M. Ferry qui fut un des négociateurs au nom des APEL, en a donné dans le numéro de décembre 1991 d’Enseignement catholique documents un récit instructif. Il explique fort clairement que cette loi avait été conçue par des énarques "serviteurs de l’Etat par essence" qui "avaient naturellement tendance à conforter et renforcer le pouvoir dudit Etat et donc à suspecter l’exercice d’une liberté, fondamentale certes, mais contestée par l’idéologie de la gauche politique et syndicale et surtout consacrant le dualisme du système éducatif". Il indique que ce texte fut "jugé tout à fait insuffisant, ambigu, restrictif, dangereux et même contradictoire en certaines de ses dispositions" par l’UNAPEL et que les amendements présentés à la demande de celle-ci par des députés "se heurtèrent à un rejet quasi systématique". Enfin il conclut à "la volonté délibérée de l’amener (l’enseignement privé) à s’intégrer à l’enseignement public et, en le renforçant, d’éliminer toute concurrence, de conforter le monopole de celui-ci". En dépit de ce caractère intégrationniste et grâce aux nombreux dévouements que continue de susciter l’école libre, ainsi qu’à l’atténuation des effets nocifs de la loi Debré apportée par la loi Guermeur, la liberté de l’enseignement a pu être préservée, même s’il n’a pas été fait toujours et partout un plein usage de cette liberté. Ce précédent nous permet d’espérer que, si nous en avons la volonté, le combat du recrutement et de la formation des maîtres de l’enseignement libre n’est pas perdu en dépit de l’accord Cloupet-Lang. L’enseignement libre connaît d’autres difficultés et son avenir dépend aussi des solutions qui leur seront apportées. Nous évoquerons seulement, en conclusion, celle du financement de la construction et du gros entretien des bâtiments. M. Bayrou est favorable sur le fond à l’abrogation de la loi Falloux qui limite à 10 % de leur montant les participations des collectivités. Dans la forme, il renvoie l’enseignement libre, tout comme le faisait M. Jospin, aux législateurs. Cette volonté de laisser l’initiative au Parlement qui n’est pas plus le comportement le plus fréquent de l’actuel gouvernement qu’il ne l’était des précédents, n’est cependant pas totale puisqu’il est de notoriété publique que c’est à la demande du ministre que la proposition de loi réserve aux établissements privés sous contrat les nouvelles possibilités de financement. De même, M. Bayrou a précisé qu’il faut "envisager des dispositions qui garantissent que l’aide publique restera bien dans le domaine public". Cette précaution, d’ailleurs légitime, pourrait conduire un jour des collectivités à revendiquer comme leur appartenant des constructions qu’elles auraient financées entièrement ou presque entièrement. C’est en recherchant, comme il ne semble pas qu’il l’ait fait très efficacement jusqu’à présent, des financements privés, en particulier sous la forme des dons des personnes physiques, que l’Enseignement catholique pourra espérer rester propriétaire des biens immobiliers nécessaires à l’exercice de sa mission. Souhaitons que les événements que nous venons de vivre ainsi que ceux que nous allons vivre soient pour chacun de nous l’occasion de réfléchir et d’agir. Souhaitons aussi que ceux à qui il appartient de le faire se posent, dans le style familier au P. Cloupet, la question : Quel secrétaire général, pour quel enseignement catholique ? Lucien GORRE Tweet |