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Lettre N° 81 – FALLAIT-IL ENCORE CRÉER UNE COMMISSION ? (4)
Il n’est pas besoin d’être un grand spécialiste de l’Éducation nationale pour savoir que la « rue de Grenelle », c'est-à-dire le siège du ministère, recèle en ses tiroirs des centaines de rapports sur l’École. Ses placards regorgent d’études et de synthèses fréquemment rédigées par les experts les plus sérieux. Les essais, les livres, les thèses sont aussi nombreux. Écrits par d’anciens ou futurs ministres eux-mêmes, par des professeurs chevronnés, des recteurs, des responsables d’organisations syndicales, des parents… ils portent à peu près tous le même constat sur les réussites et les échecs de l’Éducation nationale. Quant aux médias, on n’en connaît point qui n’ait pas régulièrement consacré des éditoriaux, des tribunes et plus souvent encore des pages entières de reportages ou des émissions complètes de télévision à ce brûlant sujet !
Le mal est donc bien connu, le diagnostic est clair, exhaustif et très largement partagé. Faut-il alors attendre que le patient soit définitivement mort pour lui administrer les remèdes qui s’imposent pourtant avec la plus grande évidence et dans la plus grande urgence ?
Car enfin, si chacun s’accorde à dire que les enfants du primaire ne devraient pas pouvoir entrer au collège sans savoir correctement lire, écrire et compter, faudra-t-il attendre encore le sacrifice de trois ou quatre générations d’élèves pour prendre les mesures nécessaires dès le CP ou dès le CE1 ?
Puisque les méfaits de la méthode globale sont désormais scientifiquement établis, les parents dont les enfants sont actuellement en primaire devront-ils accepter que leurs chères petites têtes blondes voient encore leurs cerveaux définitivement déformés car mal formés dès les premiers apprentissages de la lecture ?
La liste des victimes du collège unique doit-elle aussi s’allonger de quelques nouvelles générations ? La violence à l’école peut-elle encore prospérer faute d’un rétablissement rapide de l’autorité des règles et du principe d’autorité des maîtres sur les élèves ?
Bref, on pourrait multiplier à l’envi les sujets d’inquiétude en évoquant les méfaits des psychopédagogues au détriment d’une réelle transmission des savoirs, le développement du communautarisme et du multiculturalisme aussi mortifères l’un que l’autre pour la République, les échecs de l’égalité des chances au profit de l’égalitarisme, le nivellement par le bas, l’importance du nombre des élèves qui sortent du système sans diplôme ni formation professionnelle, les effets pervers du moule unique pour les élèves comme ceux du corps unique pour les enseignants, les taux d’échec scandaleux dans les premiers cycles universitaires, la dilution des finalités premières de l’École et de la transmission des savoirs parmi de multiples objectifs aussi inconstants et inconsistants que les pressions médiatiques qui les génèrent, la généralisation de la repentance pour mieux saper notre histoire nationale et diluer le lien national, le relativisme des connaissances et des valeurs qui remettent en cause l’universalisme républicain… toutes choses si connues que l’on a peine à les rappeler, de peur de lasser les plus fidèles de nos lecteurs.
Alors, pour une fois, adoptons, à notre tour, un discours purement quantitatif.
Que l’on se rassure, il ne s’agit pas d’adopter l’antienne de la pseudo- insuffisance des moyens accordés à l’école. C’est un faux débat.
D’une part, le budget de l’Éducation nationale est celui qui a connu les évolutions les plus conséquentes malgré la chute des effectifs des élèves scolarisés. D’autre part, et en tout état de cause, il ne sert à rien de mettre de nouveaux moyens financiers et humains au service de l’École si on n’en corrige pas au préalable les dérives.
Non, puisqu’il faut parler chiffres pour être écouté dans ce système perverti, inquiétons-nous vraiment du nombre des élèves qui en seront définitivement victimes du fait de l’éternel report de la « réforme de l’Éducation nationale ».
Combien d’élèves en deux, trois ans et plus sûrement cinq, six ans ou sept ans auront été sacrifiés sur l’autel du prétendu dialogue ?
Bien sûr, on comprend bien la prudence du gouvernement. Après tant d’autres, il craint les monômes et les manifestations et feint de croire qu’un bon ministre de l’Éducation nationale est un ministre qui ne met pas les professeurs dans la rue.
Passe encore pour les retraites. Au fond bénéficier de l’ancien système des retraites plus longtemps ne pouvait guère nuire à ceux qui souhaitaient en retarder la mise en application ! Pour l’École, c’est de l’inverse qu’il s’agit : tout retard est dramatique pour des dizaines, voire pour des centaines de milliers d’élèves, et en définitive pour la France elle-même.
Créer une commission de plus permet certainement de passer le cap des prochaines échéances électorales, mais c’est inéluctablement aussi multiplier le nombre des victimes parmi les élèves.
Si au moins cette méthode avait pour effet de dégager un très large consensus, nous pourrions aussi accepter le sacrifice de quelques-uns sur l’autel de l’intérêt national. Mais personne n’est ni dupe ni naïf : les adversaires de la réforme le resteront parce que ce n’est pas l’intérêt des élèves ni celui de la France qui les intéresse. Au mieux ils entendent conserver leurs prérogatives et leurs prébendes. Certains s’arc-boutent sur des croyances pour ne pas dire des dogmes qui ont pourtant fait la preuve de leur très grande nocivité. Au pire, ils souhaitent en tout état de cause que le système échoue car leur vision idéologique des choses consiste avant tout à chercher à détruire et nos valeurs et notre République et pour certains notre civilisation elle-même. A vouloir gagner une hypothétique paix scolaire nous serons vaincus d’avance dans le choc des civilisations qui se prépare sous nos yeux.
Alors sans vouloir rejouer Cassandre, nous ne prenons guère de risque à pronostiquer que le consensus ne se fera de toute façon pas.
Et il ne le pourrait pas, en tout état de cause, puisque ce n’est bien évidemment pas aux experts mais aux élus de la Nation qu’il revient d’exercer la responsabilité politique.
Pourtant, ce gouvernement a, une fois n’est pas coutume, toutes les cartes en main : le soutien sans faille de l’Assemblée nationale et du Sénat, une équipe ministérielle soudée et…le Président de la République. Celui-ci a même fait réformer naguère notre Constitution pour permettre l’organisation d’un référendum sur un tel sujet si l’existence d’une très large majorité parlementaire ne suffisait plus en démocratie pour affirmer une volonté politique, ou si cette majorité n’osait décidément plus prendre la moindre responsabilité.
Alors de grâce, s’il est un domaine où tout gouvernement doit sacrifier son confort personnel et « affronter la rue » si nécessaire, c’est bien celui de l’avenir de nos enfants, c'est-à-dire aussi celui de l’avenir de ceux qui feront la France de demain. Nous allons déjà leur laisser tant et tant de dettes… N’y ajoutons pas celle-là…surtout pas celle-là.
Armel Pécheul
La Commission du débat national sur l’école, présidée par M. Claude Thélot, compte quarante membres nommés, auxquels s’ajoutent six parlementaires associés et huit membres de droit, dont les sept anciens ministres de l’Éducation nationale toujours en vie, à savoir MM. Allègre, Bayrou, Chevènement, Guichard, Jospin, Lang et Monory.
La Commission a pour objet d’établir « un diagnostic partagé (sic) et de cerner les grands thèmes qui structureront le débat national sur l’avenir de l’école ». Ce débat doit lui-même « permettre de parvenir à un diagnostic partagé de l’état actuel de notre école ».
Ces indications sont extraites du site Internet ouvert par la Commission. Il y est précisé que ce débat concerne « tous les citoyens et leurs représentants. Chacun peut y contribuer en s’exprimant sur ce site »
Nous encourageons chacun à le faire.
Site : http://www.debatnational.education.fr
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