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Lettre N° 97 – Les leçons de l'expérience française
Symposium de l’OIDEL
En France, l’institution de la carte scolaire remonte à l’année 1963. Elle consiste à répartir les élèves en secteurs géographiques d’affectation. Elle permet aussi de répartir géographiquement les postes d’enseignants.
A l’origine, le but poursuivi était essentiellement celui de la planification de la population scolaire. Il s’agissait de maîtriser l’évolution massive des effectifs scolaires due au redressement de la natalité après la guerre et à la prolongation de la scolarité obligatoire à partir de 1959.
Mais, très rapidement, la logique planificatrice a été transcendée par une seconde logique, celle de l’égalitarisme.
Ce mythe français de l’égalitarisme repose essentiellement sur le principe du « moule unique » pour tous les élèves. Il s’ensuit que toutes les écoles et tous les collèges sont supposés assurer la même « réussite » pour tous les élèves quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique. D’où alors, évidemment l’interdiction faite aux parents de choisir l’établissement scolaire de leurs enfants : d’une part, la liberté de choix supposerait que l’on accepte l’idée que tous les établissements scolaires ne sont pas de même niveau (ce qui est impossible à admettre idéologiquement) ; d’autre part, la liberté de choix favoriserait la concurrence entre les établissements scolaires (ce qui est politiquement inacceptable).
Ce mythe français convenait à tous. Les politiques y trouvaient de quoi nourrir leur discours sur « l’égalité des chances ». Les syndicats d’enseignants en tiraient prétexte pour justifier leur revendications quantitatives : plus de professeurs, plus de locaux, plus de crédits.
Malheureusement, les faits sont têtus : l’égalitarisme a le plus souvent conduit à une simple égalité de façade. Par surcroît, la France a connu à son tour la tentation de la discrimination positive : l’égalité des chances a changé de nature.
L’égalitarisme a produit une égalité de façade .
Dans les faits, la carte scolaire n’a pas permis de réaliser l’objectif tendant à instaurer l’égalité des chances.
D’abord, la sectorisation reposait sur un présupposé théorique totalement irréaliste. Il faut, en effet, une bonne dose d’aveuglement idéologique (ou un grand degré d’hypocrisie) pour croire qu’un établissement scolaire situé dans les « beaux quartiers de Paris » est l’égal d’un établissement scolaire des quartiers périphériques défavorisés.
Ensuite, la carte scolaire a été à l’origine de multiples stratégies de contournement et de dérogations qui montrent qu’elle n’a jamais reçu l’adhésion des parents. Ils savent, eux, qu’il existe des bons établissements scolaires… et des moins bons, voire des très mauvais.
Enfin, seul l’enseignement public est soumis à l’obligation de la carte scolaire. De sorte que de nombreux parents font le choix de l’école privée, non seulement en fonction de la qualité ou de la nature de l’enseignement qui peut y être dispensé, mais aussi, bien souvent, parce que ce choix leur permet d’éviter la carte scolaire.
La mutation du contenu du principe d’égalité des chances
En France, les deux principes fondateurs de l’égalité républicaine sont classiquement l’unité et l’uniformité. Les individus doivent être traités, en droit, de la même manière par l’Etat. De sorte que la différenciation et la discrimination sont interdites. Ces principes sont garantis par la Constitution.
Une première brèche a été créée dans le système avec l’institution des ZEP (zone d’éducation prioritaire) par le ministre Savary au mois de juillet 1981. C’est le premier exemple français à la fois de politique de discrimination positive et de territorialisation des politiques éducatives.
La seconde brèche dans le principe d’égalité est celle de la recherche de la discrimination positive puis de la recherche de la « mixité sociale ».
L’idée, longtemps jugée contraire aux principes français les mieux établis, consiste à conférer des avantages particuliers à certaines catégories de personnes en fonction d’une ou de plusieurs de leurs particularités. Appliquée à l’éducation la discrimination positive conduit à sélectionner les meilleurs élèves des établissements jugés défavorisés pour les « transplanter » dans des établissements jugés meilleurs.
Cela reste évidemment un épiphénomène qui ne concerne que quelques individus et qui a plus vocation à servir de symbole ou à alimenter les slogans en faveur de la « diversité » qu’à régler les problèmes de fond. Mais, ce faisant on glisse doucement de la discrimination positive vers la mixité sociale.
Le bilan de la carte scolaire
La carte scolaire a été « assouplie » une première fois en 1983 par André Savary, qui la supprima dans deux départements et trois grandes villes, puis par son successeur Jean-Pierre Chevènement pour six autres départements.
En 1988, après le changement de majorité parlementaire de 1986, quatre-vingt-neuf départements faisaient l’objet de mesures de désectorisation totale ou partielle. Le terme de sectorisation étant substitué à celui de carte scolaire.
En 1993, après cinq ans de gouvernements de gauche, supposés favorables à la carte scolaire, 47% des collèges et 27% des lycées en étaient dispensés.
François Bayrou, ministre de l’Education nationale de 1993 à 1997 dans des gouvernements de droite élus sur des programmes promettant la suppression de la carte scolaire, revient sur ces assouplissements sans que l’on sache exactement aujourd’hui quels sont les établissements qui respectent la sectorisation et ceux qui ne la respectent pas.
On ne sait pas non plus, faute d’avoir cherché à la mesurer, l’incidence de l’application ou non de la carte scolaire sur le niveau moyen des élèves.
Enfin, et c’est le plus étonnant, on ne sait pas évaluer l’importance des déplacements induits par une suppression de la carte scolaire.
Une étude sur les effets des mesures de désectorisation prises en 1983 estime que 8 à 20% des élèves y ont eu recours, mais combien auraient bénéficié du régime des dérogations individuelles ou des contournements de la règle ?
Le projet de Xavier Darcos
Conformément à une promesse de Nicolas Sarkozy lors des élections présidentielles, Xavier Darcos, nouveau ministre de l’Education nationale, s’est engagé à supprimer progressivement la carte scolaire d’ici à 2010 et à l’assouplir dès la présente rentrée scolaire, en la remplaçant par de « nouveaux instruments de mixité sociale ».
Alors que les demandes d’inscription devaient être déposées avant le
30 juin, il a été indiqué lors du Conseil des ministres du 25 juillet que « plus de 13 500 demandes d’inscription supplémentaires hors secteur ont été formulées par les familles ».
Aux priorités accordées lors de ces demandes d’inscription, aux raisons médicales et à la scolarisation d’un frère ou d’une sœur dans l’établissement souhaité ont été ajoutés les élèves boursiers, au mérite ou sur critères sociaux et les élèves dont le domicile est proche de l’établissement souhaité.
Ont été écartées les obligations professionnelles des parents et la continuation de la scolarité après déménagement, motifs retenus jusqu’à présent.
La disparition progressive de la carte scolaire accompagnée de l’amélioration d’une mixité sociale et du renforcement de l’égalité des chances à laquelle le nouveau ministre a décidé de s’atteler ressemble à la quadrature du cercle.
Faussée dès le départ parce que la véritable égalité des chances suppose une sélection qui est refusée et parce que la mixité sociale revendiquée est le faux nom d’une improbable mixité culturelle, la réforme annoncée ne pourrait aboutir qu’à l’instauration de quotas dans les établissements scolaires.
Ces quotas conduiraient inévitablement à la multiplication du nombre des mécontents et à l’accroissement des distorsions entre les besoins d’éducation et les moyens de les satisfaire, à l’exemple de ce que l’on peut constater avec les quotas laitiers.
La seule façon juste et efficace de réformer la carte scolaire serait de la supprimer, car, comme dans le cas du tabac en France après la guerre, c’est le rationnement qui est la cause de la pénurie. Cette suppression n’a guère de chance d’être mise en œuvre, car elle impliquerait la fermeture des établissements désertés. La réforme en cours rejoindra-t-elle le cimetière des réformes inaccomplies, avec pour épitaphe le titre d’une pièce de Shakespeare : Much ado about nothing. Tweet |