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Lettre N° 94 – La laïcité n'est-elle plus qu'une option spirituelle ?
LA LAÏCITĖ N’EST-ELLE PLUS QU’UNE OPTION SPIRITUELLE ?
Revenons sur le Rapport OBIN. Voilà un rapport rédigé par un groupe d’inspecteurs généraux de l’Education nationale au mois de juin 2004 pour le Ministre de l’époque qui était François Fillon. Ce rapport est consacré aux « signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires ». Hormis quelques indiscrétions, ici ou là, ce rapport est très longtemps resté confidentiel, aucun responsable politique n’ayant eu le courage de le rendre public avant les élections présidentielles. Il est vrai que l’atmosphère politiquement correcte ambiante et la chape de plomb qui commence à entourer la liberté d’expression dans ce pays pourraient faire courir quelques risques à ceux qui voudraient assurer un minimum de publicité à ce rapport. Tant pis, prenons ces risques et assumons-les !
Ce rapport part d’un constat très net : il est celui de « la montée en puissance du phénomène religieux dans les quartiers, notamment chez les jeunes ». Les appartenances religieuses qui se manifestent au sein des établissements scolaires concernent exceptionnellement le christianisme, parfois le judaïsme et le plus souvent la religion musulmane. Avant de poursuivre, les auteurs du rapport notent pudiquement que « les observations transcrites dans ce rapport sont sans doute en deçà de la réalité des établissements observés, tant la tendance de nombre de professeurs, de conseillers d’éducation ou de personnels de direction est, en ce domaine, de celer une part de leur réalité professionnelle ».
Le rapport développe ensuite trois analyses successives, en premier sur les quartiers environnant les écoles, collèges et lycées étudiés, en second lieu sur l’établissement et la vie scolaire, en troisième lieu sur la classe.
S’agissant des quartiers, le rapport ne peut que constater ce que chaque citoyen de ce pays ne peut plus ignorer : le « basculement » rapide et récent des quartiers vers « l’islamisation ». On relèvera simplement deux passages courageux, au sein d’un paragraphe lui-même consacré aux « régressions de la condition féminine » : « Partout le contrôle moral et la surveillance des hommes sur les femmes tendent à se renforcer et à prendre des proportions obsessionnelles » ; « les violences à l’encontre des filles ne sont hélas pas nouvelles, ce qui l’est davantage est qu’elles puissent être commises de plus en plus ouvertement au nom de la religion ». Cela se traduit, dès l’école primaire, par des refus de la mixité de la part des garçons et par l’apparition de fillettes voilées dès le cours préparatoire. Ne parlons pas de leurs mères qui, totalement voilées, ne sont pas reconnaissables. Et, le rapport de citer le cas d’une école dans laquelle la directrice a mis en place un « sas » pour reconnaître les mères avant de leur rendre leurs enfants. On voit aussi apparaître comme nouvelle exigence celle d’instituer des vestiaires séparés, non pas entre garçons et filles, ce qui est parfaitement logique, mais entre un garçon musulman et un garçon qui ne l’est pas dès lors qu’un « circoncis ne peut se déshabiller à côté d’un impur ».
S’agissant de l’établissement et de la vie scolaire, il va sans dire que la première manifestation de la religion s’exprime le plus visiblement par les signes et les tenues vestimentaires. Il ne s’agit d’ailleurs pas simplement du voile ou plus exceptionnellement de la Burka. Se multiplient aussi le port du drapeau national (algérien, marocain, israélien), ou celui des emblèmes (armées nationales) ou bien encore celui de l’effigie d’une personnalité (Ben Laden, par exemple). Le but est de se démarquer de la France et de ceux (autres élèves ou professeurs) que l’on appelle les « Français ». On passera rapidement sur le refus d’un nombre croissant d’élèves de consommer toute viande non abattue selon le rituel religieux, ou sur les tensions suscitées par le calendrier scolaire au motif qu’il ne laisse aucune place aux fêtes et aux jours fériés de la religion musulmane. Tout au plus relèvera-t-on, puisque la question fait aussi débat en dehors de l’école, que la fête de Noël est la plus contestée avec des revendications pour supprimer les arbres de Noël, jugés comme agressifs et insultants. En revanche, on ne peut manquer d’insister sur ce que le rapport OBIN appelle « l’antisémitisme et le racisme », avec la banalisation des insultes à caractère antisémite, la multiplication des agressions à l’encontre des élèves juifs, l’apologie du nazisme dont le rapport relève avec euphémisme qu’elle « n’est pas exceptionnelle »… et le rapport d’insister sur ce point : « en France, les enfants juifs – et ils sont les seuls dans ce cas – ne peuvent plus de nos jours être scolarisés dans n’importe quel établissement ».
La conclusion de ce paragraphe est très claire : « L’identité collective, qui se référait souvent hier chez les élèves à une communauté d’origine, réelle ou imaginaire […] semble se transformer de nos jours en un sentiment d’appartenance assez partagée à une « nation musulmane », universelle, distincte et opposée à la nation française ».
S’agissant en troisième lieu de l’enseignement et de la pédagogie, le rapport insiste sur la vigueur et la généralité des contestations de nature religieuse dont les enseignements sont désormais l’objet. La contestation des cours d’éducation physique (mixité, ou pratique de la natation par exemple) est sans doute la manifestation la plus connue de ce phénomène. L’enseignement des lettres et de la philosophie fait aussi désormais l’objet de vives contestations, avec bien évidemment le rejet des textes qui soumettent la religion à l’examen de la raison (Voltaire ou Molière), ou ceux qui sont jugés « licencieux » (Madame Bovary, Cyrano de Bergerac). Quant à l’histoire elle est naturellement jugée mensongère puisqu’elle exprime une vision « judéo-chrétienne » et déformée du monde. Ceci conduit le plus souvent à l’autocensure des professeurs. Même les mathématiques sont touchées puisque le rapport relève le refus d’utiliser tout symbole ou de tracer toute figure ressemblant de près ou de loin à une croix.
On arrêtera là cette recension. Et, une fois n’est pas coutume, on se gardera bien de tout commentaire tant les faits sont édifiants.
En revanche, et puisque les élections présidentielles et législatives sont proches il ne serait pas inopportun de poser quelques questions aux candidat(e)s.
La laïcité devient-elle en France une option spirituelle parmi d’autres ? En France, un ministre de l’Education Nationale peut-il encore rendre public et communiquer sur un tel rapport ? Un débat politique sérieux, complet et donc sans interdit politiquement correct peut-il s’engager sur les conclusions de ce rapport ? La France est-elle encore une communauté nationale ou bien les candidats aux futures élections souhaitent-ils uniquement gérer la cohabitation entre plusieurs communautés ? Si la réponse à la précédente question est le second terme de la proposition, les candidats s’engagent-t-ils à en tirer toutes les conséquences en supprimant les élections « nationales » pour les remplacer par des représentations distinctes des différentes communautés ?
Il est d’ailleurs possible qu’en refusant de répondre à ces questions, ou en continuant à les éluder, nous soyons, dans quelque temps, dans l’impossibilité de les poser à nouveau.
Recteur Armel Pécheul
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