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Lettre N° 80 –LA RÉPUBLIQUE ET LES PROFESSEURS : de la passion au divorce
LA République ET LES PROFESSEURS : de la passion au divorce.
Longtemps, la République s’est légitimement enorgueillie de ses professeurs. Instituteur cher à Pagnol, normalien engagé en politique, professeur grand écrivain, universitaire maître à penser… chacun était au service d’une République qui le lui rendait bien. Fière de ses maîtres, la République pouvait transformer le petit-fils du paysan de Montboudif, fils d’instituteur et lui-même professeur, en Président de la République. Il faut dire que l’État leur avait confié la plus noble des tâches dans une société confiante en son avenir : transmettre les savoirs et les savoir-faire aux jeunes générations, assurer l’intégration de tous et la promotion sociale des meilleurs, et donc le brassage social pour éviter le risque d’une société oligarchique propre à tuer la République. Quand en plus ils pouvaient assurer la diffusion d’une culture commune, d’une morale civique et de l’universalisme républicain, alors chacun pouvait comprendre son voisin puisque, précisément, nos références et nos valeurs étaient collectives dans le cadre d’un idéal commun. Dans ces conditions, les professeurs étaient bien irremplaçables : sans eux point de République ! Et l’on comprend ainsi l’histoire de leur passion mutuelle.
Mais qui alors est responsable du divorce que l’on voit se consommer sous nos yeux ? Les deux, très probablement, car l’État a progressivement abandonné le modèle républicain et la plupart des professeurs qui manifestent aujourd’hui ont la ferme intention d’abattre la République.
L’État a cessé d’être républicain lorsqu’il a accepté que l’égalitarisme d’abord, et le communautarisme ensuite se substituent à la transmission des savoirs, à la promotion des meilleurs et à l’acquisition d’une culture universelle. Dans le premier cas, il a confondu l’égalité des chances et le nivellement par le bas. Dans le second cas, il a encouragé la dilution du lien social et la disparition des valeurs communes au profit de la multiplication de privilèges et de droits particuliers accordés à quelques groupes bien organisés. Ayant, par surcroît, chargé les maîtres de traiter tous les problèmes rencontrés par la société, l’État les a insensiblement transformés en animateurs d’élèves, dénués d’autorité, de charisme et d’ambition : au mieux des grands frères, au pire des gardiens d’enfants dissipés. On comprend mieux la violence alors puisqu’il n’y a plus de principe d’autorité, l’échec scolaire puisqu’il n’y a plus de transmission des savoirs, le repli sur eux-mêmes de très nombreux jeunes gens puisqu’il n’y a plus de valeurs communes. On comprend aussi pourquoi le sentiment d’inégalité se développe puisque l’ascenseur social ne fonctionne plus. Les élites pourront bientôt se reproduire entre elles…il leur faudra simplement trouver de quoi financer du pain et des jeux pour des masses de moins en moins laborieuses !
Les professeurs, de leur côté, sont, ou bien les victimes de l’abandon du modèle républicain, et on comprend alors qu’ils soient désespérés ou à tout le moins désabusés, ou bien ils en sont les complices. Les premiers se retournent vers l’État à qui ils demandent aide et assistance : ils ne sont pas entendus. Les seconds se retournent contre l’État : on n’entend qu’eux. Les uns doivent être aidés, les autres combattus avec la plus grande intransigeance. Combattus, en effet, les seconds car ils sont porteurs de germes encore plus destructeurs pour la République que toutes les réformes dues à l’impéritie et à la faiblesse de tant de ministres chargés de l’Éducation nationale. Leur projet est authentiquement révolutionnaire. Dans la forme, d’une part, puisque à l’exemple des méthodes les plus totalitaires, les livres sont brûlés et les élèves sont pris en otage. Au fond, surtout, ces enseignants-là veulent imposer à nos enfants, et donc à la France en devenir, un autre modèle de société : une société dans laquelle tout vaut tout parce que rien ne vaut, dans laquelle chacun ne doit connaître de limites que celles de son bon plaisir, dans laquelle il n’est nul besoin de comprendre l’autre pour exister, dans laquelle celui qui a plus ou qui " est mieux " sera toujours suspect, fautif et de toute façon redevable, dans laquelle l’individu doit toujours pouvoir imposer sa volonté au groupe sans obligation ni sanction… Ce n’est plus d’une société organisée et collective tendant vers un idéal commun qu’il s’agit mais de multiples communautés, individualistes et hédonistes, corporatistes, envieuses, égoïstes et violentes, redistributrices de l’argent des autres, intransigeantes et intolérantes, sans foi ni loi, sans Dieu ni maître… à l’exception des gardiens de ce totalitarisme pour l’instant moral. Un peu de Marx pour faire égalitaire et du Trotski pour faire éternellement jeune, du Freud pour le plaisir, du consumérisme à la MacDonald’s pour les parents, une touche empruntée aux libertariens pour faire croire à la liberté et un zeste de Bourdieu pour faire progressiste en saccageant l’ordre établi … Voilà l’idéologie à combattre et sans concession car elle est mortelle pour la République.
Voilà aussi pourquoi une vraie réforme de l’Éducation est plus qu’urgente. Elle ne peut être assise que sur des fondements républicains ; elle ne pourra être réalisée qu’avec l’aide des professeurs républicains. A l’État de retrouver les voies de la République…il retrouvera les voix de ses professeurs.
Armel PECHEUL
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