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Lettre N° 34 - LA BOURRASQUE

Détails
Créé le mardi 1 octobre 1991 02:35

 

J’espérais me donner un peu de répit, éviter de lasser les lecteurs en ne participant pas à la rédaction de ce numéro de notre Lettre. C’était vivre dans l’illusion. La politique conduite par M. JOSPIN suscite actuellement de tels phénomènes de rejet que les adhérents d’Enseignement et Liberté ne me pardonneraient pas de rester silencieux.

Quelques caractères distinguent la crise qui vient d’éclater, car on ne peut douter qu’il s’agisse d’une crise :

  1. La brutalité de son déclenchement. Jusqu’au début de décembre, il ne se passe presque rien, si on exclut une manifestation rituelle de la F.E.N. (de style très traditionnel) et une manifestation des maîtres du privé adhérents au S.N.E.C.-C.F.T.C.. Bien entendu, la situation est explosive et les responsables des organisations représentatives multiplient leurs protestations et leurs avertissements. Mais aucun événement notable ne manifeste le dérapage. Puis brusquement à partir du Mercredi 4 Décembre le paysage bascule, les rassemblements deviennent importants, à travers les témoignages de rejet on devine une très profonde détermination.
  2. La diversité des catégories protestataires et des motifs de protestation. Entre les parents d’élèves de l’enseignement privé en Bretagne, les instituteurs de la région parisienne, les élèves de l’U.F.M., les professeurs de Nantes, il n’y a pas grand-chose de commun, ni dans les "sensibilités", ni dans les raisons de leur protestation. Et pourtant sans qu’ils se soient donné le mot, sans qu’il y ait de chef d’orchestre clandestin, symboliquement le même jour (dans trois cas au moins) ils se mettent en branle. Ce disparate fait que, pour l’instant du moins, il n’y a pas d’explosion générale du système : ce n’est pas - ou pas encore - Mai 68 ! Mais ceci manifeste aussi le caractère spontané de la crise et la profondeur du malaise. Car tous ont bien comme adversaire, sous différents aspects, la même politique de l’éducation.
  3. L’extrême discrétion des médias. Les médias qui sont à l’affût de la moindre banderole portée par quelques dizaines de manifestants dans une sous-préfecture oubliée passent sous silence que plusieurs centaines (j’ignore donc combien exactement) d’élèves des I.U.F.M. défilent devant le Ministère de l’Education Nationale. Tout au plus, un très bref écho sur les chaînes de télévision ou quelques lignes dans les quotidiens les mieux informés. Je veux bien croire qu’au moment où des barbares détruisent le patrimoine culturel de l’humanité à Dubrovnik, ou tirent sur les hôpitaux ou les églises, il ne faille pas disperser notre attention ! Mais enfin est-ce une raison de passer totalement sous silence l’actualité de la vie de notre pays ? Le moins qu’on puisse dire c’est que les opposants à la politique d’éducation n’auront pas bénéficié d’un support médiatique ! S’ils intéressent si peu, c’est peut-être le fait qu’ils ne sont au service de personne.
  4. L’intransigeance des réactions gouvernementales. On refuse de recevoir ou on renvoie à un échelon tout à fait subalterne. Bien heureux quand on ne met pas en place un cordon de C.R.S. ! Si on rapporte une réponse, elle est tellement dérisoire, qu’elle devient outrageante : aux instituteurs qui ne sont pas payés depuis quelques mois, on fait dire qu’il y a eu beaucoup de promotions qui ont donné du travail aux services financiers, et que beaucoup d’employés sont en congé de maladie ! Les professeurs de Mantes peuvent être rassurés ; il y aura un nouveau commissariat de police en 1994... d’ici là leurs voitures pourront toujours brûler. Est-ce mauvaise gestion ou goût pour la provocation ?

Toutes les situations, qui ont engendré cette agitation qui reste actuellement larvée, ont en commun d’être sans précédent, soit par la nature du phénomène, soit par son ampleur.

L’enseignement privé a l’habitude d’être mal traité. Mais, depuis de nombreuses années, on n’avait jamais abouti à une telle accumulation en matière de retards de paiements (forfait d’externat, subvention pour la formation des maîtres, subventions d’investissements). Je renvoie à l’excellent document de la Commission permanente du Comité national de l’enseignement catholique publié dans le n° 167 d’ECD pour les détails techniques. On parle de 5 milliards qui auraient dû être versés si on avait respecté cette parité qu’exige l’équité ou plus simplement la loi. L’UNAPEL qui a pourtant fait montre d’une patience à mon sens excessive doit se révolter devant l’ampleur de l’injustice et il n’y a pas lieu de s’étonner si la base manifeste.

Comme en 1984, c’est la Bretagne qui a commencé à faire parler d’elle (20.000 manifestants) et il n’y aura pas lieu de s’étonner si le mouvement s’étend.

Les élèves de l’I.U.F.M. sont furieux des contraintes ineptes que leur impose une formation ridicule où ils n’apprennent pas la discipline qu’ils auront à enseigner. Ils s’indignent de ne rien savoir sur le sort qui leur sera réservé, sur l’avenir des concours de recrutement. A vrai dire, pour la première fois depuis l’histoire de la République, on recrute depuis quelques années des fonctionnaires avant d’avoir défini leurs fonctions, droits et obligations !

C’est aussi la première fois - du moins en temps de paix ! - que des fonctionnaires attendent plusieurs mois leur traitement : c’est pourtant le cas d’un certain nombre d’instituteurs en région parisienne.

Enfin, y a-t-il des précédents à cette fermeture de toutes les écoles de Mantes-la-Jolie (ville de 50.000 habitants) parce que les maîtres estiment que leur sécurité n’est pas assurée ? Ils jouissent de l’appui de la population... tandis que les syndicats essaient d’endiguer le mouvement avec leur discours usé, et qu’en catastrophe les autorités finissent par accepter de négocier lorsque le mouvement menace de faire tâche d’huile.

Vraiment, il y a crise de l’éducation, et bien au-delà, c’est l’autorité de l’Etat qui est en cause.

Alors est-ce une simple bourrasque ou l’annonce d’un ouragan ? Il est un peu tôt pour le dire.

Maurice BOUDOT


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