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Lettre N°3 - DES ÉCOLES ET DES UNIVERSITÉS AUTHENTIQUEMENT "REPUBLICAINES" ?
Au-delà des négociations en cours entre les pouvoirs publics et les responsables de l'enseignement privé, et des éventuels résultats auxquels ils pourraient aboutir, n'est-il pas nécessaire de réfléchir aux conditions d'avenir d'une complète liberté de l'enseignement. Il est, à l'heure actuelle, assez généralement admis, dans notre pays, que les budgets de l'État et des collectivités locales, c'est-à-dire, en définitive, les contribuables, doivent supporter la charge financière d'un enseignement à dispenser à tous les jeunes Français. D'ailleurs, quelles que soient les opinions politiques de chacun, nul ne saurait contester que cette forme de la solidarité nationale répond à une volonté légitime d'assurer une certaine égalisation des chances au départ dans la vie. Mais une préoccupation d'égalité des chances ne doit pas conduire à soumettre tous les jeunes à la même formation sans tenir compte de leurs aptitudes très diverses, et de l'évolution de leurs capacités au cours des premières années de leur existence : celles-ci suivent une courbe au tracé imprévisible. Pourquoi, dès lors, ne pas admettre que la collectivité se doit de placer sur la tête de chaque jeune un crédit public destiné à lui permettre de s'assurer la formation la plus conforme à ses talents, au fur et à mesure que ceux-ci se dégageront ? Il convient que chacun puisse choisir, en bénéficiant de tous les conseils désirables, une orientation vers les disciplines littéraires, artistiques, scientifiques, techniques..., au besoin en changer en cours de route, interrompre ses études après avoir acquis les notions élémentaires puis y revenir, ou recevoir une formation technique ou professionnelle après quelques années d'arrêt. Seuls, le crédit de formation, et une totale liberté d'orientation, peuvent ainsi réserver à chaque individu toutes ses chances ; ne serait-ce pas d'ailleurs, le meilleur moyen d'obtenir l'utilisation la plus favorable des aptitudes de chaque membre de la société pour le plus grand bien de la communauté nationale. En pratique, cet objectif peut être atteint par la délivrance de bons annuels scolaires ou universitaires, d'abord aux parents pour les cycles primaire et secondaire, et aux enseignés eux-mêmes pour les enseignements supérieur et professionnel. Ceci suppose, bien sûr, une organisation de diplômes nationaux et d'équivalences européennes qui sanctionnent les diverses formations sur une base schématique harmonisée. Les modalités d'un tel régime d'enseignement exigent une mise en place assez délicate ; mais elles pourraient s'inspirer de l'expérience tout à fait positive, semble-t-il, du système éducatif en vigueur dans certains pays étrangers tels que la Belgique. Faut-il souligner que la remise du bon scolaire ou universitaire par l'utilisateur à l'établissement de son choix, équivaudrait à un vote annuel en faveur des équipes d'enseignants les plus efficaces. Peut-on imaginer un régime d'un esprit plus "démocratique" ? D'ailleurs, à y regarder de plus près, cette nouvelle liberté de l'enseignement serait authentiquement républicaine dans le sens où tous les partis politiques s'affirment respectueux des principes constitutionnels. Ces principes, la constitution de la Ve république les a repris dans la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789 et dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Or, que disent ces textes en matière d'enseignement ? a) Le préambule de la constitution de 1946 affirme : "la nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction ; à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l'Etat." Il paraît clair que le devoir de l'Etat d'organiser un enseignement public gratuit et laïc est destiné à garantir un accès aux divers enseignements, et à éviter que le droit à être instruit ne puisse pas pratiquement s'exercer. Il est ainsi fait obligation à l'Etat de pallier une carence éventuelle des initiatives privées et non de les limiter en quoi que ce soit. b) Le même préambule de la Constitution dit aussi : "la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement". L'individu et la famille bénéficient donc, à égalité, d'une assurance d'un soutien public, sans que l'un puisse être privilégié par rapport à l'autre. Est-ce que les droits de la société familiale ne concerneraient pas l'enseignement en faveur de tous les mineurs qui en sont membres ? c) Enfin faut-il rappeler que la Déclaration des droits de 1789 définit ainsi la liberté : "la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui". La liberté n'est ainsi pas définie par rapport à l'Etat, mais par rapport au bien des autres membres de la collectivité nationale ; qui oserait affirmer que la liberté de l'enseignement, surtout si elle est assurée suivant les méthodes ici préconisées, est susceptible de nuire à autrui ? Peut-elle subir l'arbitraire de l'Etat, même sous forme de lois ? Un crédit placé par la puissance publique sur la tête de chaque individu, dès l'origine, en vue de lui assurer l'exercice libre du droit à la formation prévu par la Constitution est la traduction la plus valable des principes républicains de liberté et d'égalité. Il est difficile de concevoir que des objections fondamentales puissent être honnêtement formulées à l'encontre d'une solution aussi respectueuse des droits fondamentaux des citoyens et des familles. Il faut rappeler enfin, que dans le Budget de l'État pour 1984, le seul ministère de l'Éducation Nationale bénéficie d'un crédit de fonctionnement de 164 350 millions de francs. Cette somme correspond approximativement et en moyenne à un crédit annuel de 12 000 francs par sujet enseigné : il n'est certes pas très élevé mais non négligeable. Cette somme ne recouvre pas les crédits de formation inclus dans les budgets des autres ministères (culture...) ni le rendement de la taxe d'apprentissage, ni les charges assumées par les collectivités locales. Il conviendrait de déterminer comment le crédit d'État pourrait être complété par d'autres apports. Il paraît, en outre, quasiment certain que le débat budgétaire sur les crédits de l'Éducation prendrait une tout autre signification aussi bien devant le Parlement que devant la Nation, si la décision consistait à voter des crédits, en fonction du nombre des enseignés, qui seraient différenciés par discipline et par niveau, d'après les besoins exprimés par les bénéficiaires. Les sacrifices demandés aux contribuables revêtiraient alors un sens pour l'avenir du pays. Peut être ces crédits seraient-ils dès lors privilégiés par rapport à d'autres qui sont réclamés globalement par le gouvernement ("services votés") sans que les deux Assemblées élues soient en mesure d'exercer pleinement le contrôle qui leur appartient. En résumé, cette nouvelle organisation de l'enseignement :
Pierre SIMONDET Tweet |