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Lettre N° 65 - 3ème trimestre 1999 (2)
L’ÉCHEC EN LECTURE Comme lors de chaque rentrée scolaire, nos Ministres associés nous présentent leurs objectifs pour l’année qui s’ouvre. Y figure en bonne place la volonté de lutter contre l’échec, en particulier en lecture. Il s’agit là, en effet, d’une priorité nationale car, si 80% des élèves obtiennent leur Baccalauréat, cela n’empêche pas la moitié d’entre eux d’être des illettrés. M. JOSPIN l’avait lui-même clairement reconnu lorsqu’il était Ministre de l’Éducation Nationale. Il écrivait alors que "moins d’un élève sur deux arrive au Collège avec une maîtrise suffisante de la lecture" 1 La situation ne s’est guère améliorée depuis. En effet, en décembre 1997 2 le Directeur de l’Évaluation et de la Prospective annonçait que 62% des élèves de 6ème soumis aux évaluations de septembre ne savaient pas lire correctement et précisait que, parmi eux, 10% ne lisaient rien et 50% lisaient sans pouvoir utiliser les consignes contenues dans le texte. Mme ROYAL en septembre 1998, lors des "États Généraux de la lecture", nous apprit que 20,7% des élèves de 6ème ne maîtrisaient pas suffisamment les "compétences de base", sans autre indication. Cette imprécision entraîna des interrogations sur l’importance réelle du désastre qui firent dire, semble-t-il, à un proche collaborateur des Ministres qu’il serait certainement plus simple de ne pas publier dans l’avenir les résultats des évaluations. Il va donc devenir difficile de situer le Français sur l’échiquier des connaissances en ce domaine d’autant plus que notre pays refuse de participer aux travaux de l’OCDE sur cette question qui l’irrite. Absente du rapport de 1997, la France en 1995, sous le ministère de M. BAYROU , quitta l’évaluation entreprise juste avant la publication des résultats. Les mauvaises langues - mais faut-il les croire ? - prétendirent que la France se classait à l’avant-dernière place des pays participants avec 40% de Français ne maîtrisant pas suffisamment l’écrit pour s’intégrer dans la vie socioprofessionnelle, score évidemment peu glorieux. Quelle que soit la valeur que l’on accorde aux chiffres, la triste réalité est là : un nombre considérable de familles constatent que leurs enfants lisent mal, écrivent mal, n’ont aucune notion de l’orthographe et sont incapables de faire preuve de rigueur et de méthode dans l’exécution d’un travail. Si cette situation est plus fréquente dans les milieux défavorisés, elle sévit à tous les niveaux de la pyramide sociale. Comme de la peste au Moyen Âge, personne n’est à l’abri du fléau. La responsabilité des pédagogies. La raison en est simple. Les pédagogies mises en œuvre pour apprendre à lire aux enfants condamnent à l’échec 50% d’entre eux, indépendamment de tout déficit intellectuel. Il est possible désormais, grâce aux progrès des technologies non invasives de l’imagerie médicale, de savoir comment le cerveau opère pour apprendre à lire. Les conclusions que l’on peut tirer de ces travaux démontrent, que cela plaise ou non aux grands maîtres de la pédagogie contemporaine, que seules les méthodes de type alphabétique sont conformes aux exigences du fonctionnement cérébral. On peut dire aujourd’hui que la science justifie le bon sens. En effet, si l’on ne fournit pas à l’enfant la connaissance du lien qui unit les graphismes de sa langue aux sons qu’ils représentent, il devra impérativement le découvrir seul pour pouvoir intégrer les éléments identifiés dans des ensembles sémantiques porteurs de sens. Il lui est impossible d’opérer autrement car le cerveau ne peut pas traiter le mot comme une image. Il ne sait pas retenir la forme d’un mot dans son entier. Il n’est pas possible de développer ici cette question mais il faut savoir que ce mécanisme de base qui conduit à l’assemblage de signes graphiques et d’unités sonores élémentaires est identique dans toutes les langues quelles soient phonogrammiques, comme les langues alphabétiques, ou idéogrammiques. La moitié environ des enfants en âge d’apprendre à lire sont capables de réussir cet assemblage complexe sans aide et apprendront donc à lire quelle que soit la méthode utilisée mais les autres commettront de multiples erreurs dans ce travail d’apprentissage du code de la langue qui leur interdiront de lire correctement ou de comprendre ce qu’ils lisent. Mais quelles sont donc ces pédagogies destructrices ? Toutes les méthodes d’apprentissage qui partent de textes ou de phrases abordés dans leur ensemble, même si elles aboutissent ultérieurement à l’apprentissage des lettres et des syllabes, représentent un danger majeur car elles contraignent le cerveau à découvrir seul la manière dont il faut découper et associer les éléments de base sonores et graphiques de sa langue. Or, contrairement à ce que l’on croit trop souvent, les pédagogies d’inspiration globale sont pratiquement lesseules utilisées actuellement dans l’enseignement Public etl’Enseignement Privé sous contrat d’association. Une totale désinformation règne sur ce point et doit être impérativement combattue. La méthode semi-globale est présentée comme une pédagogie distincte de la globale offrant sur elle l’avantage de réintroduire l’apprentissage des lettres et des syllabes. Il s’agit là soit d’un véritable abus de confiance intellectuel soit d’une méconnaissance totale des règles élémentaires du fonctionnement cérébral. En effet, les méthodes semiglobales débutent toutes par une approche globale pendant un temps plus ou moins long avant d’introduire la découverte des lettres. Ce parcours, inversé par rapport aux attentes du cerveau, tire tout son danger du fait que si l’enfant doit commettre des confusions de sons et de lettres, celles-ci surviendront dès le début de l’apprentissage. Quelques semaines de globale sont aussi dangereuses pour les sujets à risques que l’usage prolongé d’une méthode globale pure. Quant à la dernière née des méthodes dites "rénovées", appelée "lecture par hypothèses", sa démarche pédagogique présente des caractéristiques qui méritent d’être connues. Placé dès le début de l’apprentissage devant un texte l’enfant doit en "construire le sens". Une phrase d’un document émanant de conseillers pédagogiques éminents en traduit bien l’esprit : "L’important n’est pas de "deviner" juste, mais de se mettre l’esprit aux aguets, d’avoir des attentes à l’égard du texte que l’on va découvrir" 3. Pour répondre à ces "attentes", il faut en effet "découvrir" le sens des mots en les comparant à d’autres déjà rencontrés et peu à peu trouver le code qui permettra de "deviner" les mots inconnus. On imagine sans peine le désarroi de ces 50% d’enfants strictement "normaux" qui rentrent en C.P. avec des difficultés pour identifier les sons, reconnaître les formes et les orienter dans l’espace. Cette pédagogie surréaliste, authentiquement globale, présentée comme la quintessence de la prise en compte de "la dimension affective du langage" a été adoptée par un grand nombre d’enseignants. Elle a même souvent supplanté la maintenant très classique "semiglobale" et, fait particulièrement grave, nombreux sont les maîtres qui croient naïvement utiliser une méthode alphabétique parce qu’ils reviennent à un moment ou l’autre de l’apprentissage à la notion de lettres et de syllabes ! On comprend ainsi pourquoi tant d’enfants sont, dès leur entrée au C.P., condamnés à rejoindre le camp des illettrés. Ce ne sont pas les divers psychothérapeutes vers lesquels ils seront majoritairement dirigés qui changeront quoi que ce soit à cette situation. Tout juste pourront-ils les aider à minimiser les conséquences de leur échec et mieux l’accepter mais est-ce vraiment le but à atteindre ? Les solutions. Il est possible, si on le veut vraiment, d’arrêter aujourd’hui ce massacre des Innocents. Mais il faudrait pour cela que l’Éducation Nationale cesse de camper sur ses certitudes, qu’elle accepte de s’ouvrir aux connaissances de son époque et qu’elle cherche à comprendre non seulement comment l’homme réagit aux stimulations sociales mais aussi comment son cerveau procède pour apprendre. C’est apparemment trop lui demander. Seules l’intéressent actuellement les conclusions des linguistes et des psychosociologues. Cette situation d’isolement du monde enseignant qui vit dans un univers hermétiquement clos n’est pas propre à notre pays. Aux États-Unis où les difficultés d’apprentissage de l’écrit sont considérées comme un problème de santé publique, les chercheurs se demandent comment procéder pour que leurs travaux soient enfin pris en considération par les pédagogues. Pourtant un espoir nous vient de Californie qui après 10 ans d’utilisation généralisée des pédagogies dites "rénovées" a constaté qu’elle arrivait en dernière position dans le classement des États de l’Union en matière de maîtrise de l’écrit. L’organe législatif décida alors d’inciter les enseignants à abandonner ces pédagogies du "whole language" et de privilégier l’apprentissage alphabétique. C’est bien en effet au Législateur d’agir en ce domaine. Il n’est pas acceptable que l’Éducation Nationale qui absorbe à elle seule un budget qui représente la quasi-totalité de l’impôt sur le revenu, exclue, à cause de son ignorance ou de son idéologie, la moitié des élèves qui lui sont confiés et fasse ensuite payer ses échecs à la Sécurité Sociale qui rembourse des prestations d’orthophonie et de psychothérapies qu’un apprentissage correct de la lecture aurait permis d’éviter. Certes, les faits sont têtus et les réalités finissent un jour par s’imposer mais combien de générations faudra-t-il encore sacrifier avant de vaincre l’obscurantisme ? Enseignement et Liberté ne peut rester muette devant cette situation et demande à toutes celles et tous ceux qui peuvent apporter leurs connaissances, leur expérience ou leur témoignage en ce domaine de participer au groupe de travail qu’elle organise sur ce sujet. Drame personnel et problème de société, l’échec en lecture ne sera pas vaincu par affrontement direct avec un "mammouth" que les flèches n’atteignent pas mais par l’information qui, peu à peu, fera son chemin. Les édifices ne s’écroulent que lorsqu’ils sont profondément lézardés. A nous d’aider le temps à faire son œuvre. Dr Ghislaine WETTSTEIN-BADOUR NOUVELLES DE L’ASSOCIATION Lors de sa réunion du 9 juin dernier, le conseil d’administration d’Enseignement et Liberté a coopté deux nouveaux membres :
Leur nomination sera soumise à la ratification de la prochaine assemblée générale. Leurs ouvrages peuvent nous être commandés au prix de 139 francs franco chacun. Le conseil a en outre décidé :
1 Rapport accompagnant la loi d’orientation du 10 juillet 1989 Tweet |