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Lettre N° 115 - 1er trimestre 2012
L'heure de vérité
Conformément aux pronostics faits avant le premier tour de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy et François Hollande s'affronteront au second tour.
Le premier est en principe favorable au libre choix de l'école de leurs enfants par les parents et le second y est par principe hostile. Nicolas Sarkozy l'a montré, avec un assouplissement de la carte scolaire, alors que Vincent Peillon, responsable du secteur éducation dans l'équipe de campagne de François Hollande a déclaré : "Nous rétablirons donc la carte scolaire en cherchant des périmètres qui autoriseront cette mixité scolaire." Et "D'où notre position [.] pour permettre que le public regagne sur le privé." (Le Monde du 10 avril).
Du point de vue qui est le nôtre, celui de la liberté d'enseignement, il ne fait donc pas de doute que l'élection de M Sarkozy est hautement préférable à celle de M. Hollande.
Au-delà de cet arbitrage, que nos lecteurs auront très bien su faire sans attendre mon avis, à quoi devons-nous nous attendre selon le résultat des urnes ?
Certainement pas au grand bouleversement que serait, dans un cas, l'abolition de la "règle des 20/80" répartissant dans cette proportion, quelle que soit la demande des parents, les places dans le privé sous contrat et dans le public, et l'établissement du chèque scolaire ou, dans le cas contraire, la création du Grand service public unifié et laïc de l'Education nationale promis aux électeurs de François Mitterrand en 1981, et dont l'échec a laissé un cuisant souvenir à la gauche.
Je crains fort qu'aucun des candidats n'ait la volonté de remettre en cause des méthodes pédagogiques désastreuses, en commençant par celles de l'enseignement de la lecture. Ils n'auront pas plus le courage de rétablir dans le cursus scolaire une sélection des élèves en fonction de leurs aptitudes.
Le système de notation en licence, mis en place à la rentrée 2011, qui permet de compenser les notes d'enseignement fondamental d'un semestre avec des notes d'enseignements secondaires obtenus pendant d'autres périodes et supprime les notes éliminatoires, illustre bien ce refus de toute sélection; parce qu'il faut, précise le cabinet de Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur, " trouver un équilibre entre les exigences disciplinaires et la nécessité de tenir compte des publics diversifiés dont le niveau peut être hétérogène et dont les attentes sont différentes."
L'élection présidentielle ne marquera donc pas l'heure de vérité pour l'école, mais, comme les faits sont têtus, ils sauront se rappeler à celui qui sera élu. A ce titre, les indicateurs des résultats des lycées pour 2011, que vient de publier le ministère, apporte un argument, à mes yeux décisif, à ceux qui, comme nous, voient dans la liberté d'enseignement le gage de sa qualité : ce n'est pas, contrairement à ce qu'avancent généralement les partisans de l'école unique, parce que l'école publique est ouverte à tous, alors que ceux de l'école libre appartiendraient à des milieux favorisés, que cette dernière obtient de meilleurs résultats.
Recteur Armel Pécheul
Les indicateurs de résultats des lycées en 2011
Le ministère de l'Education nationale
vient de mettre en ligne sur son site, à l'adresse :
http://www.education.gouv.fr/cid3014/les-indicateurs-de-resultats-des-lycees-2011.html
des indicateurs permettant d'évaluer l'action propre de chaque lycée, à la session 2011 du baccalauréat. Ils sont établis à partir des résultats des élèves au baccalauréat et de leur parcours scolaire dans l'établissement. Ces indicateurs ont été calculés pour 4 199 lycées publics et lycées privés sous contrat (2 304 lycées d'enseignement général et technologique et 1 895 lycées professionnels) qui préparent au baccalauréat.
Les trois indicateurs retenus sont :
Les auteurs de l'étude justifient ce choix par les considérations suivantes :
"Parents d’élèves, personnels de l’éducation nationale, journalistes, de nombreux acteurs publics et privés se demandent comment évaluer l'action propre d’un lycée, ce qu'il ajoute au niveau initial des élèves qu'il a reçus. En d'autres termes, quand un lycée présente ce qui est communément appelé « de bons résultats », est-ce parce qu'il a accueilli des élèves ayant de meilleures chances de succès [.] ou bien, est-ce dû au fait qu'il a su, tout au long d'une scolarité, développer chez des élèves peut-être moins bien dotés au départ, les connaissances et les capacités qui ont permis leur succès ?"
Nous ajouterons que ces indicateurs reposent sur l'hypothèse implicite que tous les baccalauréats se valent. Ce qui était peut-être vrai en 1808, année de la création de cet examen, ne l'est plus aujourd'hui, alors que, par le choix des sections, par le jeu des options et par l'élasticité des notations, son obtention consacre chez certains des aptitudes intellectuelles et de réelles connaissances, tandis qu'il récompense plutôt chez d'autres leur "comportement citoyen".
Les auteurs de l'étude estiment à juste titre que pour juger de l’efficacité d’un lycée, il faut comparer "la réussite de chacun de ses élèves à celle des élèves comparables scolarisés dans des lycées comparables, en termes d’âge, d’origine sociale, de sexe et de niveau scolaire à l’entrée au lycée".
Ils ont à cette fin calculée la "valeur ajoutée" de chaque lycée, en corrigeant les écarts imputables aux caractéristiques des élèves. L’analyse effectuée combine des facteurs individuels (âge et sexe, niveau scolaire à l’entrée du lycée, origine sociale) et des facteurs liés à la structure de l’établissement (pourcentage de filles, part des élèves en retard scolaire, part des élèves issus de chaque catégorie socioprofessionnelle).
En fonction de ces caractéristiques, il a été calculé, pour chaque lycéen et pour l’ensemble du lycée, un taux "attendu" de réussite au baccalauréat. Si l'écart entre le taux constaté et le taux attendu, appelé« valeur ajoutée », est positif, on a tout lieu de penser que le lycée a apporté aux élèves qu'il a accueillis plus que ce que ceux-ci auraient reçu s'ils avaient fréquenté un établissement situé dans la moyenne. Cette mesure est l'indice d'une bonne efficacité relative. Si l'écart est négatif, la présomption inverse prévaudra.
Le ministère n'a publié que les chiffres relatifs à chaque lycée, sans établir de classement en raison de la "multiplicité", rappelée plus haut, des critères d'évaluation des résultats des établissements.
Le Monde et L'Etudiant ont l'un et l'autre établi de tels classements ou palmarès dont nous avons tiré les enseignements suivants : A partir du tableau récapitulatif publié par Le Monde , à :
nous avons dénombré, au plan national, pour le taux de réussite au baccalauréat, les lycées ayant une valeur ajoutée supérieure à 10 et ceux ayant une valeur ajoutée inférieure à -10, cette valeur ajoutée étant, rappelons-le, la différence entre le taux de réussite constaté au bac et le taux attendu, calculé en tenant compte des caractéristiques, sociales, scolaires, etc. de ses élèves. La répartition selon ce critère entre les lycées publics et les lycées privés sous contrat d'enseignement général et technologique est donnée par le tableau suivant :
France entière
Ces résultats ne portant que sur des établissements aux performances exceptionnelles, dans le bon ou dans le mauvais sens, nous avons fait un dénombrement du même type pour cinq académies, en prenant en compte les établissements ayant une valeur ajoutée supérieure à 3 ou inférieure à -3. Les résultats sont alors :
En résumé, le public regroupe, sur la France entière, 33% des lycées à plus forte valeur ajoutée pour 72% de ceux à plus faible valeur ajoutée. Le privé 64% des premiers et 28% des seconds.
Sur cinq académies, le public regroupe, 35% des lycées à plus forte valeur ajoutée pour 87% de ceux à plus faible valeur ajoutée et le privé 65% des premiers pour 13% des seconds.
Ces résultats, qui ne prennent pas en compte les lycées hors contrat, enlèvent évidemment toute valeur à l'argument selon lequel les résultats des établissements privés seraient meilleurs que ceux du public parce que leurs élèves seraient issus de milieux privilégiés, alors que le public est ouvert à tous. Même si de telles différences existent, leurs effets sont corrigés dans les résultats présentés.
Les réactions des abonnés au Monde traduisent bien l'exaspération que cela peut susciter. Au nombre de quinze, alors que les articles sur l'enseignement en suscitent couramment une centaine, elles se distinguent par la vigueur, si ce n'est par la qualité, de leurs arguments : "ras-le-bol de ces enquêtes soi-disant scientifiques", "les manipulations sont aisées"; le classement "n'a aucun sens", n'est qu'une " farce grotesque" et n'est qu'un "pur classement à la soviétique" !
Les mesures proposées sont à la hauteur des arguments. Nous avons le choix entre la réintégration (sic) des lycées privés – qui sont un véritable scandale - dans l'enseignement public et "Une solution : mixité sociale OBLIGATOIRE pour TOUS les établissements, et SUPPRESSION de l'enseignement payant !"
L'objection la plus sérieuse que l'on puisse faire à la supériorité constatée du privé dans les résultats au bac est évidemment relative au taux de stabilité, c'est-à-dire à la proportion de lycéens qui restent dans le même établissement de la seconde à la terminale. Ceux qui le quittent peuvent le faire pour de multiples raisons : déménagement de la famille, recherche d'une option rare, ou parce qu'ils ont été poussés dehors.
On sait qu'un certain nombre d'établissements privés pratiquent l'écrémage, mais des établissements publics aussi. Pour les trente-trois établissements ayant la plus grande valeur ajoutée pour la réussite au bac, la valeur ajoutée moyenne pour la stabilité est de -0,4 pour les lycées publics et de -2,8 pour les lycées privés; pour les trente-deux ayant la plus faible valeur ajoutée pour la réussite au bac, elle est de –14,4 pour le privé et de -6,8 pour le public.
On constate donc dans ces cas extrêmes que les lycéens restent en moyenne moins longtemps dans le privé que dans le public, mais est-ce parce que les moins bons ont été renvoyés ou en raison du rôle de rattrapage que joue le privé pour certaines familles ? On constate aussi que contrairement à une opinion assez répandue, les meilleurs établissements gardent mieux leurs élèves que les plus mauvais
Le magazine L'Etudiant a, pour sa part, établi un palmarès de 1951 lycées d'enseignement général et technique, en attribuant à chacun d'eux une note faisant la moyenne de celles des trois indicateurs retenus par le ministère, correspondant au taux de réussite au bac, à la valeur ajoutée du lycée et à sa probabilité pour un élève de première d'obtenir son bac dans le même établissement :
http://www.letudiant.fr/palmares/classement-lycees.html
parmi les cinquante lycées les mieux classés, notés de 18,3 à 16,5, on en compte quarante-deux du privé et huit du public, dont le mieux placé à la vingtième place en Guadeloupe, et trois en Martinique.
On peut bien entendu discuter du bien-fondé de ces trois indicateurs, ou de la pondération, identique pour chacun d'eux, retenue par L'Etudiant. Il paraît cependant difficile de nier la performance supérieure du privé.
Philippe Gorre
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